AGUASUEÑOS

Alborotador

Aguafiestas, tu silencio

Amarga el ágape de sueños

ofrecido por el sueño

La noche se llena de agua

 

Aguasueños será palabra concreta

 

Fauteur de veille

ton silence est trouble-fête

Il gâche le festin de rêves promis par le sommeil

La nuit prend l’eau de toutes parts

 

Aguasueños est le mot pour le dire

Poésie du soir, divagations de l’âme aux heures nocturnes, l’esprit s’égare et la voix des songes s’exprime, en deux langues, français et espagnol, y puisant profondeur et jeux d’écho.

La nuit prend l’eau et l’onde des songes se répand sur les pensées, les paroles, en paraboles.

Sueños de paraguas

perdidos

suenan al sol

Asi se dice

en el divan

 

J’ai rêvé d’un vol

de parapluies

Est-ce dire qu’il fera beau ?

Le vague à l’âme, les divagations de l’âme, les pensées serpentent les âges, sillonnent Troie, rencontrent Chimène ; et la langue s’en mêle, français, espagnol, notes perlées d’italien ; ainsi va le verbe nocturne.

Parole de Chimène

Me alegro

Ma non troppo

La fortune a de ces revers…

Les sécrétions de mots s’entrecroisent, jouent d’une langue à l’autre, sautent à pieds joints comme à la marelle, ou font d’un écart en espagnol ce que le français n’ose dire, ou penser ou peut-être même épancher.

Dilema moral : quitarle o no quitarle

la tilde al año

Dilema erótico : ponerle o no ponerle

la tilde al ano

Anillo de Moebius: solo falta una tilde

para pasar del círculo perfecto

al círculo prodigioso

 

Anneau et agneau n’ont rien à voir

N’était la paronomase

Ailleurs,

un tilde seulement sépare

deux cercles parfaits

Confidences sur canapé, la nuit dérobe ce que l’on ne peut plus toucher, ou peut-être défait ce qui hier encore était, une odeur, un parfum, la chair de l’autre…

La pluie s’en vient avec la nuit et noie les pensées, le chagrin, dans ses larmes.

Tanta lluvia

Una podría hundirse

por tristeza,

y ahogarse

en llanto

 

Il pleut si fort

qu’on pourrait se noyer

de chagrin

L’être aimé qui s’en va, un autre corps qui s’en vient, différent, inattendu ; remplacera-t-il l’amour déçu, déchu ?

Sin pensarlo

Olvidé el sabor de tu piel

En el olor de otra

 

J’ai oublié le goût de ta peau

dans le parfum d’une autre

Sans y prendre garde

Élément omniprésent du recueil, l’eau ruisselle et joue les trouble-rêves.

L’eau pour exprimer l’abrupt deuil d’une relation, d’un amour, de l’être aimé ; la pluie pour symboliser la prégnance de l’absence, la douleur qu’elle induit, l’errance ; la nature faisant écho aux pensées nocturnes, aux vagabondages funambules, aux idées noctambules qui interrogent l’intime et questionnent l’époque.

La nuit prend l’eau

De toutes parts

Je prends le large

Au cœur de la nuit et des rêveries, entre deux langues qui se délient, un monde se déploie, fait de secrets chuchotés, murmurés, au creux des draps.

Me gustó mucho manosear

el ojete peludo

De la botonera

 

Qu’il fait bon

peloter

le bouton soyeux

De la jolie mercière

Confidences sur canapé, le recueil s’achève sur une pensée cachée en filigrane d’un alphabet venu des soleils levants du « Géant qui sommeille », comme une énigme qu’il faudrait trouver, à mi-chemin entre l’espagnol et le français.

Quelque part au printemps, au creux de la rivière des rêveries, aux côtés de Narcisse et de Pandore.

Et coule l’eau des songes, vers une nuit d’été.

 

Gasparine Alexandre

Gasparine Alexandre, Aguasueños, Éditions des Utopies, parution le 1er mai 2025, 68 pages, 10 €.

https://www.editionsdesutopies.com/catalogue-1

© CHARLOTTE LEBECQ @read_to_be_wild

 

 

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