Des femmes. Toutes.

J’assume le chemin qui fut sien. Je l’aide à porter ce poids d’une vie, reliée à d’autres vies. Les mots le permettent. L’exigent.

 

Ainsi, avec ses mots, mais aussi avec ses silences, les non-dits, Mireille Diaz-Florian va raconter, le temps d’un voyage en train entre Loire et Vézère, l’histoire de sa lignée. Très exactement, elle va remonter l’histoire des femmes qui tissent un fil jusqu’à elle. La trame, la lisière, patchwork de vies mêlées, entrelacées, étroitement tissées entre elles.

 

D’abord, ce sont des prénoms : Alice, Eugénie, Angéline, Louise, Marie, Elisabeth. Puis ce sont des images, des photographies vieillies, des clichés précieux parce que rares, souvent l’immortalisation d’un instant cher, d’un temps fort qui jalonne une vie. Mais ce sont également des fragments, des petits bouts d’histoire, de destin, mués en sorte de légendes familiales que l’on se transmet de mère en fille, une chaine fragile presque illusoire, résidus tenaces qui remontent les couloirs du temps, méandres labyrinthiques pour rappeler : oui tu viens de là ! Oui tu fais partie de cela ! Chaque femme portant dans ses mots l’existence de la précédente.

 

Ce récit généalogique, ode aux racines, est traité avec singularité, l’histoire n’est pas lisse, chronologique et structurée, elle fait appel à la mémoire, celle qui va et vient, désordonnée, libre, tantôt fugace tantôt appuyée, à la façon d’un peintre qui apposerait ses aplats, ici une touche pour Alice et là une autre pour Eugénie.

 

Les filles de la lignée interrogent ces femmes, leurs mères, qui refusent obstinément d’avouer les défaites.

 

Alors dans le silence qui s’est épaissi de leurs silhouettes fantômes, celle qui écrit veut apaiser la rumeur sourde des femmes blessées.

 

Celle qui écrit pourrait écrire ce qu’elle entend dans les silences, la violence des hommes, ceux que l’on a aimés et ceux que l’on n’a pas choisis, elle écrirait de même pour la maternité, avec les naissances non désirées, elle ajouterait la perte de l’enfant, du fils chéri, écrire encore, le labeur, au champ, à l’étable et partout ailleurs, écrire combien la condition féminine dans un milieu paysan n’est pas facile. Tout cela, elle l’écrit et on l’entend jusque dans les ellipses et les récits étouffés. Qu’on le veuille ou non, l’histoire s’écrit avec les femmes.

 

Le voyage en train n’est pas très long, mais à chaque arrêt la narratrice a convoqué une de ses aïeules, et en a consigné un hommage pudique, respectueux, poétique et sensible. Refermez alors le livre, sur la couverture, une gare, édifice colossal empreint de promesses, de nouveaux départs et de retours espérés, les femmes fantômes peuvent repartir et les souvenirs retourner à l’enfance. Transmission accomplie.

 

Mireille Diaz-Florian est agrégée de lettres et fondatrice de l’association Le Lire et Le Dire ; on lui doit plusieurs romans et également la biographie de la poétesse Catherine Pozzi.

 

Mireille Diaz-Florian, Des femmes. Toutes., Éditions du Palio, 1er novembre 2025, 145 pages, 18 €. http://www.editionsdupalio.com/livres/roman/des-femmes-toutes.html

 

© Sandrine Dastarac 

 

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