Qui manipule qui, dans ce petit théâtre d’automne ?
Les Éditions La Pionnière inaugurent un nouveau cycle, Petit théâtre des saisons, avec Le Salon d’automne de Jean-Benoît Puech. Un récit où tout se joue dans la vibration du souvenir et dans le miroir qu’il tend à celui qui s’en souvient.
Un homme revient, des années plus tard, dans une maison de Touraine. Là, jadis, il avait donné un spectacle de marionnettes. Là aussi, il avait rencontré Caroline, morte à trente-trois ans. Et là encore, il retrouve Charlotte, sa fille, devenue le reflet vivant de la mère. Même voix, même lumière, même trouble. Autour d’elles gravitent d’autres figures : Clotilde, la sœur jumelle de Caroline, les spectres du passé et ce narrateur qui vacille dans une étrange répétition des gestes d’autrefois.
Le titre renvoie au célèbre Salon d’Automne, fondé à Paris en 1903 pour célébrer la liberté artistique et révéler la modernité. Mais Jean-Benoît Puech déplace le décor: il transforme l’exposition publique en un salon intérieur, un lieu d’ombre et de reprise où l’on n’expose plus des toiles mais des souvenirs. Ce Salon d’automne-là devient une galerie de reflets : les visages du passé y apparaissent sous la lumière de la mémoire qui persiste quand tout le reste s’efface. C’est une exposition intime, un accrochage d’ombres où chaque tableau semble représenter un personnage.
Chez Jean-Benoît Puech, la narration fonctionne comme un jeu de miroir : chaque figure en contient une autre. Caroline, Charlotte, Clotilde, le narrateur : chacun est le double d’un autre, l’image inversée, la reprise d’un geste ancien.
L’automne, ici, n’est pas une saison : c’est l’état du reflet, ce moment où le réel et la mémoire se confondent.
Le narrateur, autrefois marionnettiste, découvre qu’il tire encore des fils, non plus sur des poupées de bois, mais sur les êtres et les souvenirs. Ainsi , il joue entre le mouvement et l’écho. Ce n’est pas un hasard si Puech ouvre son Petit théâtre des saisons par l’automne : la saison du retour, des formes persistantes, de la lumière qui décline mais s’obstine. Chez lui, tout se reprend, se rejoue et se dédouble. Cette écriture du reflet déroute autant qu’elle captive.
Vous l’avez compris, Jean-Benoît Puech ne raconte pas : il rejoue.
Son Salon d’automne prolonge cette pratique du double où il brouille toujours la frontière entre la vie et sa version littéraire en proposant un texte sur le dédoublement et la reprise.
Le Salon d’automne s’achève sur une référence à Kleist, rappelant la grâce inconsciente des marionnettes : ce mouvement pur que les hommes, trop conscients d’eux-mêmes, ont perdu.
Il m’assura que la pantomime de ces poupées lui procurait un vif plaisir et me déclara tout net qu’un danseur désireux de cultiver son art ne pouvait qu’en tirer le meilleur profit.
Kleist
Jean-Benoît Puech, Le Salon d’automne, Premier volume du cycle Petit théâtre des saisons
Éditions La Pionnière
Parution : 29 octobre 2025
© Sophie Carmona
