RIXE

Dans l’impasse, une voix.

 Lire Rixe, c’est comme tourner dans une ruelle mal éclairée et se retrouver face à un mur.

Un livre noir. Noir comme l’écho sourd d’un coup porté, comme l’absence de mots là où ne subsiste que la violence.

Dès les premières lignes, on est happé par une langue qui cogne, qui n’épargne rien, ni les corps ni les pensées. C’est une poésie de l’impact, du désordre, de l’instant où tout bascule. Le poème devient ici une scène, un lieu de tension et de cris étouffés.

Je ne le lâche pas des yeux, ce couteau qui entre et qui sort de la chair, sans résistance. C’est drôle, j’aurais cru la peau plus épaisse.

Non pas une cuirasse, simplement une barrière protectrice difficile à franchir. Même pas. Rien. Misérable feuille de papier alimentaire posée sur du beurre mou.

Par réflexe, je contracte tous mes abdos.

Aucun sang ne gicle, la lame de fer luisant demeure impeccable.

Pureté fascinante.

Je compte.

Une fois, deux fois, trois fois.

Je ne ressens aucune douleur.

Les mots, choisis, ciselés, font naître une rythmique qui oscille entre chaos et beauté. La rixe n’est pas seulement un affrontement physique : elle est aussi intérieure, existentielle. C’est l’affrontement de soi avec soi, du désir contre l’impuissance, de l’individu contre le monde.

Juste des mots qui tombent comme des coups. Trente coups de couteaux.

Douze, treize.

Je suis indestructible.

Des images sèches, nettes, exactes. Une langue coupée au couteau, nerveuse, presque haletante. Ça ne s’embellit pas. Ça raconte.

Ce qui frappe, c’est l’extrême contemporanéité du texte. Pas dans le sens journalistique du terme, mais dans cette manière de capter une époque. De parler, sans surplomb, de ceux que l’on oublie ou que l’on caricature.

Ici, tout est à hauteur de regard, parfois à hauteur de chute. Les marges, les violences sourdes, l’urgence : c’est de ça qu’il est question. Et c’est écrit sans plainte, sans misérabilisme. Juste avec la nécessité.

Rixe est un texte de combat.

Une parole qui vient du sol, de l’endroit où ça se passe vraiment. Et pourtant, tout est là, dans cette tension muette.

Publié aux Éditions du Bunker, maison résolument singulière et novatrice dans sa ligne, Rixe s’inscrit dans une poésie contemporaine qui ne craint pas d’être âpre, ni d’explorer la violence dans sa complexité.

Jules Pétrichor, Rixe, Les Éditions du Bunker, 2 octobre 2024, 9 €

https://www.editionsdubunker.com

© SOPHIE CARMONA

Mai 2025

 

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