
Dans Hiver Chute Vie, la poésie ne se lit pas seulement : elle se déploie.
Le recueil tout juste publié aux Éditions du Bunker se présente d’emblée comme un livre-objet. Sa couverture bleu ciel, d’une clarté aérienne, annonce le projet : ouvrir l’horizon de la page, transformer l’espace en lieu d’écriture. Ce n’est pas un recueil ordinaire mais une œuvre plastique, à manipuler, à tourner, à retourner.
Les poèmes y dessinent une calligraphie moderne, héritière des avant-gardes mais résolument contemporaine. La phrase quitte la linéarité pour se fragmenter, se disperser en cercles, spirales, constellations.

Wonwoo Kim sculpte la langue comme une matière graphique. Chaque poème est une figure mouvante, entre texte et image, où l’agencement visuel est porteur de sens. Certaines pages rayonnent en rosaces multilingues, d’autres se contractent en entonnoirs vers un centre sombre ; ailleurs, des cercles comme une onde sonore ; parfois le texte se déploie en colonnes brisées ou en pyramides fragiles. Autant de configurations qui transforment la lecture en exploration.
Le triptyque du titre — hiver, chute, vie — donne la clé du livre : l’hiver fige, la chute disperse, la vie persiste. Ces forces traversent le recueil et lui confèrent son rythme.
Ces trois termes résonnent comme autant de pôles symboliques. L’hiver incarne la blancheur, la suspension, le gel de la parole dans le silence. La chute introduit le mouvement, la gravité, la perte : elle disperse les mots, fait éclater les lignes, ouvre la page à une dynamique imprévisible. La vie, enfin, surgit comme persistance, comme force de réorganisation après l’éclatement, inscrivant le poème dans une vitalité toujours renaissante. Ces trois dimensions s’entrelacent : l’hiver prépare la chute, la chute appelle la vie.
À travers ce cycle, Wonwoo Kim interroge la fragilité et la résistance : comment une langue peut-elle tenir debout après avoir été brisée ? Comment le sens peut-il renaître dans la dispersion ? Le recueil met ainsi en scène une poésie de la transformation, où chaque forme visuelle devient la trace d’un passage, d’un équilibre toujours menacé mais jamais détruit.

Artiste coréen vivant en France, Wonwoo Kim est aussi photographe, peintre et cinéaste. Cette pluralité de pratiques irrigue son écriture, qui tient autant de l’installation que du poème. Hiver Chute Vie brouille ainsi les frontières entre littérature et arts visuels.
Avec ce livre, les Éditions du Bunker poursuivent leur engagement en faveur de formes poétiques singulières. Hiver Chute Vie est un recueil qui fait de la page un espace visuel à part entière.
Wonwoo Kim, Hiver Chute Vie , Les Éditions du Bunker, parution le 2 septembre 2025, 144 pages, 18 €.
https://www.editionsdubunker.com
©SOPHIE CARMONA Septembre 2025
