Sébastien L. Chauzu est un auteur français, qui après une carrière dans l’enseignement s’oriente vers la littérature et plus précisément l’écriture. En 2020, son premier ouvrage Modifié sort aux éditions Grasset. Antisèches est son second roman.
Expatrié au Canada depuis plusieurs années, c’est dans ce coin vert du globe que l’auteur pose son récit drôle, tendre et un brin cruel.
Ed est écrivain. Pour subvenir à ses besoins, ou pour donner un sens plus réaliste à son existence, il est réceptionniste dans la maison d’édition qui refuse ses copies. Bob, c’est l’éditeur. L’incarnation du puissant dans le monde des livres mais qui s’avère bien plus tendre que rustre. C’est aussi l’ami d’Ed.
Ce dernier vit une histoire d’amour avec Ana, une jeune femme apparemment très séduisante. Problème : la passion est plutôt unilatérale et Ed se retrouve vite noyé au fond du jacuzzi à débordement.
À travers ce personnage, c’est une réalité romanesque qui nous est décrite. Anti-héros, Ed enchaine les maladresses et s’embourbe sur un terrain connu, effrayé par les sentiers non balisés. Aussi, il n’est pas surprenant de le voir s’étrangler lorsqu’il reçoit une première lettre non signée sur un papier bleu. Il mène l’enquête, émet des suppositions et fait des plans parfois farfelus ; aidé par Grace et poussé par l’Espagnol au maillot de bain jaune.
D’une écriture fluide, l’auteur entraine le lecteur dans son histoire et ce dernier se prend rapidement de sympathie pour ce personnage qui, peut-être, lui ressemble un peu. Humain. Gauche. Authentique.
Si l’intrigue première repose sur une rupture amoureuse et sur la joyeuse dépression qui s’en suit, c’est pour mieux intégrer les histoires internes qui en découlent. Les nombreux personnages qui se greffent au récit viennent l’étoffer et l’enrichir. L’auteur questionne alors la perception superficielle que nous nous faisons des autres, notre manière de préjuger notre environnement.
Pour preuve, la première apparition de Bob se fait de la bouche d’une jeune femme. Des mots courts. Une insulte. Le lecteur s’en fait une première idée et s’imagine alors un personnage odieux et antipathique et il se forge une image mentale créée par ses propres référents. Avant de le voir décrit, Bob est dans notre esprit un éditeur abusant de son pouvoir pour séduire les jeunes et futures écrivaines. Et il en va de même pour le barbu présenté comme un homme bourru, regardant les filles avec autant d’envie que si c’était une cannette de bière lors d’un après-midi près d’un lac entre potes. Il en est pourtant bien autrement.
« J’ai sorti mon antisèche numéro huit. […] Arrêter de passer devant l’appartement d’Ana. Faire une machine avec ses culottes. Laisser tomber le nœud de grappin, beaucoup trop difficile. Accueillir les sentiments quand ils se présentent. »[1]
Sébastien L. Chauzu s’amuse des clichés et les renverse avec humour. Il les intègre à son récit et ils deviennent des éléments narratifs aussi essentiels que ses personnages.
Qu’ils soient masculins ou féminins, ils ont tous un point commun : la volonté de combler le vide par un puissant désir d’exister, contrer la solitude, tromper la routine suffocante d’un quotidien sans excès. En somme, tenter de continuer, avec ou sans antisèches.
Plus qu’un roman sur la rupture, c’est la force qui lie des individus différents qui est ici écrite.
Le roman, par ailleurs, est double et l’auteur, encore une fois, joue avec la dimension fictionnelle en intégrant une douce confusion, une mise en abyme du récit. Le livre qu’Ed tente d’écrire fusionne avec le livre que le lecteur est en train de lire. Il prend forme, devient vivant comme si celui-ci s’écrivait à mesure que nous le lisons, à mesure que nous le vivons, au rythme des personnages.
Antisèches, Sébastien L. Chauzu. Éditions Prise de parole. 15,99 euros.
Date de parution : 23 septembre 2025
© DAVID VALENTIN
[1] L. CHAUZU Sébastien, Antisèches, Éditions Prise de parole, p.155
